A l’approche de l’échéance électorale marocaine, la question centrale qui se pose est de savoir si le Maroc sera au rendez-vous avec l’histoire et si les législatives du 25 novembre courant, vont faire émerger une nouvelle élite, afin de rompre avec cette sempiternelle tradition du «changement superficiel ».
S’il est évident qu’il ne peut y avoir de changement sans élites, alors quelle élite économique et politique pour le Maroc de demain ? D’autant plus, qu’on sait qu’eu égard de notre histoire et de la désolation du champ partisan, le renouvellement des élites, pose problème. Or, le changement ne peut venir que des partis politiques.
Nous savons, que nos formations politiques sont le produit d’une histoire complexe et compliquée dû à l’intervention de l’administration dans la prise de décision. Même s’il y a des nuances à apporter en fonction de chaque parti, ils n’ont rien fait ou peut, pour s’émanciper. En effet, en acceptant de soumettre le texte constitutionnel au référendum le 1er juillet, juste deux semaines après sa publication, sans prendre le temps de la réflexion et de la consultation de leur base, pose un certain nombre de questions concernant le degré de leur indépendance.
En appelant avec célérité à des législatives, ils ont repoussé consciemment ou inconsciemment leurs congrès, pourtant seuls processus de changements « possibles ». Ce qui donne des arguments à certains, dont le changement n’était pas à l’ordre du jour. Dans ces conditions, comment peuvent-ils jouer le rôle de médiateurs essentiels entre les citoyens et le monde de l’engagement politique et prendre en charge la demande de démocratie, comme une de leur mission fondamentale ?
Comment se saisir des convulsions sociales et des mouvements de protestation, pour rehausser le niveau de l’offre politique ? C’est ce qui explique en partie les mêmes discours, malgré la nouveauté des candidats. Alors, quand on apprend officiellement que plus de 86% des candidats tentent leur chance pour la première fois, devons-nous être rassurés sur la question de changement ? Ce n’est pas évident, dans la mesure où, si les partis politiques se sont engagés à rajeunir leurs listes et à embellir leur configuration partisane, la volonté de s'inscrire dans la modernité, la démocratie, la transparence et l’édification d’un Etat de droit, semble faire encore défaut.
Car le changement des candidats ne veut aucunement dire, un changement dans la gouvernance, la transparence et de nouvelles mentalités susceptibles de mettre fin à cette « nomenklatura » politique à laquelle les marocains se sont habitués, depuis des décennies, échéance après l'autre et époque après époque. Même si l’émergence des nouveaux visages à son importance et son utilité, les Marocains attendent des futurs responsables : compétences, indépendance dans la prise décision et la volonté affichée d’édifier un Etat de droit qui garanti la justice sociale.
C’est seulement en s'inscrivant dans la dynamique d’un tel changement avec conviction et volontarisme, que nos formations politiques peuvent rassurer. Car on ne peut édifier un Etat de droit et gérer les affaires publiques autrement avec les mêmes individus qui ont ruiné le pays à tous les niveaux. C’est dire, la nécessité que certains de nos acteurs politiques, laissent enfin tomber les œillets, pour mieux appréhender la réalité. En effet, il est irresponsable de ne pas prendre conscience de la période cruciale que traverse le pays.
Tout en se gardant de généraliser, il faut dire que nos acteurs et de nos intellectuels, ne semblent pas encore conscients de la gravité de la situation et continuent à se cacher derrière un régime qui ne s’est pas encore établi comme « parlementaire », c'est-à-dire démocratique. Cela pourrait engendrer des « tempêtes » dans un proche avenir.
S’agissant d’une élection sensée consacrer la volonté populaire, renforcer le pouvoir du parlement et faire émerger un gouvernement des urnes, le changement doit être surtout au niveau de la démocratie, la transparence et de nouvelles méthodes de gestion, c’est l’un des enjeux clés sous la nouvelle ère constitutionnelle. Un autre enjeu est celui du degré de la volonté du gouvernement issu des urnes, à mettre en œuvre son propre programme.
Le renouvellement des élites politiques, passe aussi par l’intégration des citoyens marocains de l’étranger dans le champ politique marocain, c’est pourquoi il faut condamner la fuite en avant des responsables marocains, qui ont décidé une fois de plus, de faire l'impasse sur les revendications légitimes d’une communauté, qui contribue depuis un demi-siècle au développement du pays.
En effet, alors que certains pays Maghrébins intègrent dans leur processus démocratique, leurs citoyens de l’étranger dans le cadre d’un renouveau démocratique, les citoyens marocains de l’étranger, n’ont de choix que de voter par procuration, qui constitue une « atteinte au principe du droit de vote », lequel est une affaire individuelle, secrète et souveraine.
Düsseldorf, le 16 novembre 2011
Said charchira
Directeur du centre européen d’étude
et d’analyse sur la migration