Il faut noter que les Etats membres de l'Union sont tous signataires de la majorité des textes élaborés dans le domaine social. "La charte des droits fondamentaux des travailleurs", adoptée en 1989 et "le programme d'action de la Commission européenne" sont l'expression de la participation active des Etats de l'Union au processus d'instauration des droits sociaux européens dans un projet global. Toutefois, si l'avancée enregistrée dans le domaine social est un fait majeur des trente dernières années, elle ne l'est que pour les citoyens européens issus des Etats signataires.
Pourtant, comparés aux situations qui prévalent dans les pays du sud d'où l'immigration est issue de manière majoritaire, les droits reconnus aux migrants représentent un grand pas dans le domaine social. Il n'en demeure pas moins cependant que ces acquis sont restés an deçà des espoirs que l'on pourrait attendre des démocraties occidentales. L'état garant de la distribution des deniers publics des citoyens (ceux des migrants compris car ils s'acquittent de leurs impôts d'une manière exemplaire) est resté insensible à cette interpellation. De fait, les Etats européens ont «admis et inscrit» une discrimination institutionnelle entre les migrants et les autochtones dans le domaine social.
La démarche, ayant prévalu jusqu'à présent, est bien celle partant de l'idée que les migrants n'étaient que passagèrement résidents et qu'ils allaient repartir chez eux. De ce fait, ils étaient
assimilés à des travailleurs temporaires méritant tout au plus les droits que leur confère leur activité économique. Bien que la situation des migrants et leur rapport à la société d'accueil aient
changé, cette attitude, quant à elle, est restée inchangée.
Le rajeunissement, la féminisation, la sédentarisation et le caractère définitivement familial de la migration en font qu'elle formule aujourd'hui des exigences autres que celles revendiquées par le passé. Elle aspire, à l'instar de toute famille européenne, aux droits sociaux inhérents à sa situation de migration de peuplement sédentarisée et définitivement installée sur le sol de l'Union. De ce fait, les législations européennes doivent couper avec la logique sociale, régie par les impératifs économiques dont les réponses partiales, partielles et ponctuelles se caractérisent par une carence de stratégie à moyen ou long terme.
La nouvelle situation et le nouveau recentrage des migrants dans les sociétés européennes doivent être suivis de changements sur le plan législatif et réglementaire dans le domaine social. Cette
situation nouvelle requiert une nouvelle approche sociale, des mesures novatrices correspondant aux impératifs de l'intégration des migrants résidant légalement et durablement en Europe. Cet abord
doit suivre une autre logique: celle intégrant organiquement le principe de l'égalité totale des chances et des droits, sur la base du respect, par tous, des devoirs qu'impose la société, aux hommes
et aux femmes.
Il est vrai que l'avancée des Droits de l'homme dans les législations nationales et l'autorité grandissante de la jurisprudence de la Cour européenne indiquent un changement de mentalités. Les pays
d'accueil ont pris acte de la sédentarisation des étrangers et de leur participation au processus démographique mais la crainte d'une reprise des flux migratoires, les restructurations
industrielles et le chômage des travailleurs non qualifiés inclinent les pouvoirs publics des Etats d'accueil à vouloir maîtriser la situation. De ce fait, une ambiguïté fondamentale marque
l'évolution législative de l'Union qui cherche à renforcer les contrôles aux frontières et sur son territoire.
D'un autre côté, on doit se féliciter de la coordination des régimes de sécurité sociale. Certes, cette mesure revêt un caractère limitatif car traitant exclusivement de la dimension sociale du
problème, elle reste cependant un axe important et un autre aspect de la libre circulation. La réglementation actuelle, telle qu'interprétée par la cour de justice européenne, nécessite aujourd'hui
une profonde restructuration parce que dépassée par l'évolution des régimes nationaux, notamment en ce qui concerne :
Enfin l'évolution de la migration jointe à la migration Sud-Nord, à la nouvelle mais moins importante migration Nord-Sud (retour au pays des retraités notamment) imposent la nécessité d'adapter
et de mieux coordonner les régimes de sécurité sociale, particulièrement en perspective à un élargissement imminent de l'Union.
Les droits fondamentaux des immigrés sont une pierre d'achoppement à la mise en œuvre de l'idéal moderne de la démocratie. Ils interpellent la conscience de tout un chacun en soulevant des
questions aussi cruciales que la reconnaissance de l'autre et la capacité des sociétés européennes faire cohabiter ensemble individus et groupes, à la fois différents et semblables.
Or la démocratie joue une fonction fondamentale et organique dans les processus de maturation des rapports sociaux dans les sociétés modernes. Sa force principale réside particulièrement dans sa capacité à construire des outils vivifiant les relations humaines, les solidarités de réseaux et des groupes de populations, et à étendre le bénéfice des droits au plus grand nombre de personnes.
Depuis le 11 septembre, l'immigration est mise au rang des problèmes majeurs des sociétés de l'Union. La politique migratoire est l'occasion de bilans souvent critiques et de propositions réitérées
de réforme suscitant une polémique dont on aurait bien voulu s'en passer. Elle donne la mesure de l'inégalité de l'échange Nord- Sud. On a tendance à oublier que parler de la place et du rôle
des populations issues de l'immigration équivaudrait à parler de la place et du rôle de la démocratie dans la constitution de contextes ouverts, favorables, émancipateurs à l'échelle de l'Union
européenne et à l'échelle de chacun de ses Etats membres.
La gestion juste du principe de l'égalité de traitement, l'application équitable de politiques sociales basées sur la solidarité, l'extension de la citoyenneté locale (dont le droit de vote est une
composante fondamentale), la facilitation de l'acquisition de la nationalité et la lutte contre le racisme et les discriminations sont les cinq grands moyens d'intégration et constituent à n'en pas
douter les outils fondamentaux de la démocratie en exercice, lorsque cette dernière opère de manière efficace.
Réduire le droit de l'exercice de la démocratie à la simple équation de national / citoyen montre à l'évidence que la dichotomie opérée entre le résident citoyen national et le résident étranger dans
la même cité porte à équivoque. Comme nous venons de l'indiquer, l'exercice mature de la démocratie se fait par un certain nombre d’éléments complémentaires et souvent intégrés.
Dans ce cadre, la place et le rôle des populations issues de l'immigration ne peuvent prendre leur pleine signification que lorsqu'elles sont repérées, analysées et restituées dans un contexte
dynamique de l'application de la démocratie.
Par ailleurs, le contexte européen actuel nous montre à l'évidence l'importance d'une réflexion et la recherche de moyens et d'instruments pour faire en sorte que les millions de populations, issues
de l'immigration, soient associées au processus de construction européenne en cours tout en étant partie prenante dans les contextes nouveaux de l'application de la démocratie locale et
européenne. Toutes deux secouées énergiquement par l'émergence rapide de la mondialisation des échanges et des rapports humains.